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Charlotte Gabris, l’itinéraire d’une comédienne lausannoise

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La comédienne Charlotte Gabris.

© Getty Images

Lorsqu’elle s’attache à rembobiner le film de son singulier destin, Charlotte Gabris s’offre un arrêt sur image à la case premières projections: «Petite, je répétais à ma mère qu’à 21 ans, j’aurais déjà deux enfants et deux chiens, un husky et un berger allemand.» Ce script échafaudé aux heures où l’on s’invente des futurs couleur candeur ne s’est évidemment pas inscrit sur le prompteur des 28 printemps que la demoiselle totalise à son compteur. Rapidement, un autre scénario s’est esquissé. La lame de fond qui a provoqué le virement de bord a déferlé au moment où Charlotte découvrait la mer. «On était en vacances au Club Med à Djerba, en Tunisie. C’est là que j’ai fait mes premiers pas sur scène. Au départ, cela s’engageait mal. On voulait me métamorphoser en danseuse en tutu, ce qui a eu le don de me mettre les nerfs en pelote. Moi, du haut de mes 7 ans, je ne songeais qu’à me grimer en vieille dame moche dont l’unique obsession consistait à se lamenter sur son état de santé. Par chance, mes protestations ont eu gain de cause. Aussitôt, je me suis sentie dans mon élément. Cerise sur le gâteau: les gens rigolaient. Quand, par la suite, j’ai appris que cela pouvait être un métier, ce fut «la» révélation.»

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cette vocation précoce n’était initialement pas tournée vers le rire. «Je voulais juste jouer et non pas amuser la galerie», nous explique celle qui a su faire de sa réjouissante drôlerie son arme fatale. Comique lorsqu’on constate que cette indomptable impertinente a réussi à se hisser au rang des nouveaux visages de l’humour dans l’Hexagone, non? Et pourtant véridique. En fine stratège, la longue fille brune – 1 m 80 de charme inflammable – a vite appris à composer avec les facéties de la vie. Qu’un obstacle lui barre la route, et là voilà qui s’empresse d’emprunter un chemin de traverse. «Je n’ai jamais établi de plan B, parce j’ai rayé le mot échec de mon vocabulaire. Donc quand je prétends qu’en cas de fiasco, j’ouvrirai une charcuterie, je blague.»

Fusionnelle avec son père

Analysant plus en détail ce qui l’a amenée sur le terrain de l’hilarité et de la dérision, la Lausannoise poursuit: «Si j’ai commencé par explorer ce registre, c’est parce que la filière me paraissait plus accessible. N’ayant jamais cessé d’écrire depuis le collège, j’avais assez de matériel pour nourrir mes sketches. Au lieu de me morfondre en attendant qu’on m’attribue un rôle, je me suis lancée dans la mêlée en fréquentant assidûment les scènes ouvertes parisiennes. Et ce, d’autant que par trois fois, les portes des conservatoires s’étaient déjà refermées devant moi. Ce qui laissait entendre que je n’avais pas le profil adéquat.» La tactique se révélera performante. En 2008, deux ans après avoir débarqué à Paris, la jeune femme au verbe aussi percutant qu’un colt était, primo, saluée par le prix François Silvant, deuxio, embauchée par Ariane Massenet dans La Grosse émission sur la chaîne Comédie! Un doublé qui va déboucher sur une rafale d’engagements: elle est recrutée par la «Bande à Ruquier», signe des chroniques pour Drucker sur Europe 1, sème ses billets d’humeur sur la fréquence lémanique LFM, apparaît dans le «Jamel Comedy Club», se mue en cagole (la meuf à Balou) dans «La nouvelle édition» de Canal+… Charlotte cartonne, à croire qu’elle dissimule un marabout dans son staff.

Mais d’où lui vient cette aptitude fantaisiste qui consiste à croquer nos travers ordinaires avec une cocasserie polissonne? Perplexe, elle finit par identifier un probable coupable: son père, Hongrois né aux Etats-Unis et établi en Suisse. «Il a beaucoup de recul et porte un regard décalé sur le monde. Je crois qu’il aurait fait un très bon comédien, d’ailleurs quand je sèche, il lui arrive de me fournir des chutes. On rigole beaucoup ensemble.» Normal donc qu’elle n’ait pas hésité à lui tailler un costard dans son dernier spectacle «Comme ça, c’est mieux» en confessant: «Mon père est psychiatre lacanien, ça explique pas mal de mes névroses…» Une vanne – «il n’est pas lacanien» – qu’elle ne se serait pas autorisée si leurs relations n’étaient pas fusionnelles. «Ma première escapade dans la Ville Lumière, je la lui dois. Elle s’inscrit dans la liste des séjours qu’on a faits uniquement à deux. Symboliques, ceux-ci venaient saluer une étape importante, l’entrée au gymnase par exemple.» La même connivence la relie à sa mère allemande, physiothérapeute reconvertie en femme au foyer pour assurer l’éducation des Gabris juniors. «Je l’admire beaucoup. Elle m’a appris à ne pas dramatiser. Quand les choses vont de travers, elle me dit toujours: «Stell dich nicht so an!» ce que l’on pourrait traduire par «Ne te mets pas en crise, ça va aller!»

«On jouait à se faire peur»

La boîte à souvenirs de son enfance dorée ne manquant guère de pièces insolites, Charlotte Gabris tente alors d’en reconstituer le puzzle. Figures majeures de la mosaïque: son frère Vincent, de 3 ans son aîné, et son cousin Laurent. «Même s’ils prenaient un malin plaisir à me martyriser, je voulais toujours traîner avec eux, les grands. Sur le plan des tortures à m’infliger, ils se montraient fort inventifs, testant leurs prises de judo sur moi ou me confiant les buts pour shooter leur ballon de foot à toute volée.» Plutôt timide et rêveuse, la fillette aime à s’inventer des mondes recluse dans sa chambre. «J’avais une énorme maison de Playmobil. Je créais des mises en scène, j’élaborais des histoires durant des heures. Et surtout personne ne devait me déranger». Avec les copines, elle prospecte d’autres territoires, plus facétieux. «On sonnait aux portes et on s’enfuyait en courant. On jouait aux espionnes en s’infiltrant dans les jardins privés. On adorait s’amuser à se faire peur. Notre plan préféré: s’enfermer dans la cave. Calfeutrées sous des couvertures et éclairées d’une lampe de poche, on se lisait, tour à tour à haute voix, les romans d’horreur de la collection 'Chair de poule'.» A l’école, en revanche, celle qu’on avait surnommée la Girafe à cause de sa haute taille s’ennuie. «J’avais du mal à rester en place. Avec mon voisin de banc, Pierre, on se stimulait en se lançant des défis: concours de bruits d’animaux, hurlements… Nous étions infernaux! Mais sinon, j’étais sérieuse et assidue, je bossais beaucoup pour compenser mon extrême nullité en maths. A la matu, j’ai eu 1 à l’oral et 1 et demi à l’écrit.»

Depuis, l’équation et les données ont bien changé. Les inconnues auxquelles elle est confrontée sont d’une autre espèce. Après s’être démultipliée en additionnant sketches, one-woman-shows, télés, radios, la fille aux racines multiples a soudain senti le besoin de se recentrer. «J’ai mis du temps à me retrouver. Finalement, je me suis rendu compte que je ne voulais pas être enfermée dans une case.» Elle rêve alors d’un nouveau moteur: le cinéma. Pirouette de la destinée, après lui avoir souri fort timidement, le septième art vient de lui faire sérieusement de l’œil. Et plutôt trois fois qu’une. Le 2 décembre 2015, elle sera à l’affiche de «Babysitting 2», son premier vrai rôle. Suivront A fond, de Nicolas Benamou, dont le tournage a pris fin il y a un petit mois, et «Entrez sans frapper», premier film de Sarah Lelouch, dont le clap de début résonnera au printemps. Ultime confidence: «Avoir pu côtoyer tour à tour, Christian Clavier et André Dussollier, c’est hyperformateur. J’ai l’impression d’avoir progressé de 10 ans en quelques mois.» Soit un taux de croissance exponentiel. Un comble pour un cancre en maths!

Curriculum vitae

1987 Naissance à Lausanne, le 30 janvier, du deuxième enfant de Cornelia et Georges Gabris.

2006 Le 10 septembre, Charlotte quitte Lausanne pour s’installer à Paris.

2015 Son année cinéma: la comédienne y comptabilise deux tournages celui de «Babysitting 2» (sortie de le 2 décembre 2015) et d’«A fond».

Questions d’enfance

Une odeur d’enfance Celle, familière, du Blitzkuchen, gâteau «éclair» au beurre, au sucre et aux amandes, qui envahissait nos narines lorsqu’on rentrait de l’école. Cette odeur me rappelle ma mère, ma grand-mère maternelle, nos goûters d’enfance.

Mon premier amour Dans ce domaine, j’étais en retard. Je crois que je n’avais pas très envie de grandir. Petite, je me battais sans cesse avec les garçons et je les trouvais bêtes. En plus, je les dépassais déjà tous d’une tête. Mon premier amour remonte donc à mes 15 ans, c’était une histoire sérieuse qui a duré 3 ans.

Mon jouet fétiche Il y en avait deux: Linus, un dalmatien en peluche, et Loïc, une poupée de sexe masculin. Un des passe-temps favoris de mon frère et de mon cousin: me voler Loïc pour le torturer en toute tranquillité.

Le vêtement dont j’étais fière Une jupe grise serrée et superclasse qui descendait jusqu’au-dessous du genou et que ma grand-mère m’avait offerte après l’avoir elle-même portée.

La phrase qui m’agaçait «Range ta chambre!» or c’était tout à fait justifié. Barbies, Playmobils et vêtements s’y accumulaient dans un incroyable capharnaüm.

Un héros qui vous a fait rêver J’étais en admiration devant MacGyver. Il avait tout pour me plaire, il était hyperdrébrouillard, courageux, sympa.

Un dessert enchanteur Tout ce qui est à base d’Oréo (ndlr: biscuits ronds au chocolat fourré, en sandwich, d’une garniture à la crème), mon péché mignon. Cette addiction me vient de la sœur de mon père. Elle nous en ramenait à chaque fois des Etats-Unis.

Un légume détesté Mon cauchemar: la purée d’épinard, d’autant que ma mère nous la servait, à chaque fois, avec de la purée de pomme de terre. Or je déteste ce qui est tout mou et qui ressemble à de la bouillie.

Mon bonbon préféré Numéro un sur ma liste: de petites boules à la noix de coco avec du caramel dedans.

Charlotte, œil malicieux et frimousse charmante.
Sous les cocotiers de Djerba, aux côtés son grand frère, Vincent. Un moment inoubliable, elle y fera ses premiers pas sur scène.
En 2012, elle sème ses vannes incisives dans le «Jamel Comedy Club» sur Canal+.
Avec sa mère, à qui elle dit ressembler physiquement.
Sortie à ski à Verbier.

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