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Vacances d'été: mais pourquoi se rue-t-on tous aux mêmes endroits?

Juin est à peine commencé que toutes les conversations, ou presque, tournent autour des vacances à venir. Avec un drôle de constat: qu’ils voyagent en mode baba-roots-fauchés, all inclusive-doigts de pied en éventail ou bobos authentique mais luxe, quasi tous nos amis, collègues et connaissances semblent s’être tacitement donné le mot puisqu’ils migreront vers les mêmes horizons. Essentiellement au nord de l’Europe, notamment en Finlande, en Ecosse et en Islande ou sur les côtes de la Méditerranée – avec une préférence marquée pour Chypre, l’Espagne ou la Grèce en général et la Crète en particulier. L’an dernier pourtant, ou celui d’avant, ils ne juraient que par la Croatie, les Maldives ou le Portugal.

Pourquoi ces changements de cap? Et comment expliquer ces intérêts successifs, mais concomitants, pour des contrées ou des coins de pays qu’on aurait eu du mal à situer précisément sur une carte six mois auparavant?

Professionnels unanimes

A priori, on pourrait penser qu’il est surtout question d’habiles stratégies publicitaires, associées à d’irrésistibles promotions. Toutefois, l’affaire n’est pas si simple. Evidemment. Car, comme le relèvent aussi bien Prisca Huguenin-dit-Lenoir, porte-parole d’Hotelplan Suisse, que Markus Flick, porte-parole de DerTuristik Suisse, Rafael Matos-Wasem, géographe et professeur à la Haute Ecole de gestion et tourisme de la HES-SO Valais ou encore Walter Kunz, directeur de la Fédération suisse du voyage (FSV), faire décoller une région et la rendre populaire dépend en effet d’une série de variables.

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Des facteurs multiples

En vrac et dans le désordre, les estivants doivent d’abord se sentir en sécurité:

«Le tourisme est très tributaire des situations géopolitiques», notent les spécialistes. Ils précisent: «Il y a quelques années, l’Egypte, la Tunisie et la Turquie étaient des incontournables. A la suite des problèmes que ces pays ont rencontrés, et malgré des offres promotionnelles parfois incroyables, elles étaient devenues infréquentables. Aujourd’hui, les choses s’étant un peu calmées, les demandes reprennent.»

Paramètre tout aussi important: l’argent. «Le cours de l’euro et l’augmentation générale des prix ont un impact sur l’attractivité d’une région», précise Walter Kunz. Cette année, l’Espagne s’avère par exemple moins intéressante financièrement parlant qu’elle ne l’était il y a encore un an.

L’accès facile, notamment grâce à des vols directs, compte également: «Une nouvelle desserte aérienne crée clairement un appel», souligne Rafael Matos-Wasem. Ce que confirme Prisca Huguenin-dit-Lenoir: «Nous avons constaté une hausse sensible du nombre de voyageurs vers la Norvège depuis l’ouverture d’une ligne sur Tromsø, il y a deux ans.»

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Mais ce n’est pas tout! De fait, pour plaire, une destination doit encore être fréquentée mais pas trop, sous peine de se voir désertée pour cause de «syndrome sardine», avoir des infrastructures hôtelières à la hauteur, disponibles dans toutes les gammes de prix et, last but not least, proposer un éventail d’activités suffisamment large pour satisfaire les désirs divers et variés des différents types de vacanciers, ce quels que soient leurs âges, sensibilités culturelles et affinités linguistiques…

Ces aspects pratiques et concrets dont importantissimes, à l’évidence, mais ils n’expliquent pas tout. Ainsi, à prestations égales, toutes les destinations ne rencontrent pas le même succès.

«On a beaucoup changé de manière de voyager, relève Walter Kunz. Contrairement à ce qu’on faisait dans le temps, on évite de retourner deux ans de suite au même endroit.»

Du coup, on varie les plaisirs et, donc, les lieux de villégiature. Certes. Mais pourquoi la Crète et Kos, chouchous des Romands cette année, plutôt que Malte ou Gozo (hyperbien classés en 2016 et 2017)?

Comme le rappelle Rafael Matos-Wasem, la mécanique du désir se met en branle via différents facteurs. A commencer par l’un des plus puissants: les images; celles que l’on voit dans des films ou séries TV grand public. «Game of Thrones», «Broadchurch» ou «Breaking Bad», pour ne citer qu’elles, ont fait exploser le nombre de touristes dans les zones où elles ont été tournées; celles, aussi, qu’on déguste dans des guides, revues ou livres de type «Les 1000 lieux qu’il faut avoir vus dans sa vie», ainsi que dans les classements annuels de Lonely Planet ou du National Geographic; celles, encore, qu’on découvre au détour de reportages publiés ou diffusés en marge de grands événements sportifs, relève Prisca Huguenin-dit-Lenoir: «Pendant l’Euro de foot 2016, les médias avaient énormément parlé de l’Islande. En termes touristiques, l’impact a été assez immédiat. On avait d’ailleurs déjà constaté ce phénomène après le Mondial en Afrique du Sud ou les JO de Rio et de Londres!»

Un bouche-à-oreille 2.0

Autres initiateurs de rêve: les influenceurs, «qui titillent la fibre mimétisme social, pour ne pas dire moutonnisme, qui nous anime tous plus ou moins fortement», s’amuse Rafael Matos-Wasem, qui rappelle le fameux principe de distinction établi par le sociologue Pierre Bourdieu [ndlr: on veut faire comme les autres mais… différemment et mieux]. «Si vous vous offrez un séjour à La Escala, on vous colle une étiquette de has been. Si vous rentrez des îles Fidji ou de Patagonie comme telle ou telle vedette que vous appréciez, on vous regardera avec admiration!», souligne-t-il.

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En gros, résume le spécialiste, tout commence quand des personnalités starisées vantent publiquement les mérites d’une région peu ou pas connue. Alléchés par l’aspect «inédit, rare et encore préservé» de cette destination, les pigeons voyageurs issus de milieux aisés y arrivent alors à tire-d’aile. Ils font à leur tour part de leur plaisir «à avoir découvert un coin sublime et préservé», que ce soit via des blogs, des articles, des récits imagés ou sur les réseaux sociaux. Parallèlement à ce bouche-à-oreille 2.0, les différents acteurs du tourisme (compagnies d’aviation, voyagistes, hôteliers, etc.), toujours à l’affût de ce qui se fait ou ne se fait pas, étoffent leurs offres. Une chose en entraînant une autre, l’envie de se rendre ici ou là embrase alors des segments entiers de la société – toutes classes confondues. Les influenceurs, eux, auront déjà posé leurs tongs sous d’autres cieux… qu’ils nous donneront envie de découvrir prochainement!

L’été 2018 des Romands

La FSV a sondé les différents grands tour-opérateurs suisses. Sans les classer à proprement parler, elle en a conclu que les destinations-phare de 2018 sont:

Destinations moyen-courriers

La Grèce (surtout la Crète et Kos)

Chypre

le

La Finlande

L’Espagne (Majorque et Minorque en particulier)

La Turquie

L’Ecosse

L’Islande

Les croisières

le

L’Italie

La Tunisie

L'Iran, qui... perce fort

le

1 / 4

Chez DerTouristik Suisse, on constate que la Crète est LA destination phare de l’été. A son actif: des paysages et plages de rêve, un flux raisonnable de touristes ainsi que des prix de vols, d’hôtels et de prestations touristiques plutôt stables.

© Dimitris Vetsikas
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Attentats et vives tensions géopolitiques ont longtemps retenu les vacanciers, mais cet été le sud de la Turquie séduit de nouveau. Les spécialistes du tourisme remarquent que les Suisses allemands se montrent plus frileux que les Romands et hésitent encore.

© iStock
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En tête du classement en 2017, Majorque (photo) est un peu victime de son succès: prix à la hausse et afflux de visiteurs ont refroidi l’enthousiasme général. «Cet été, elle reste malgré tout en haut du hit-parade», note Markus Flick.

© iStock
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Depuis quelques années, l’Islande plaît et qu’il n’y fasse pas très chaud ne change rien. Rafael Matos-Wasem explique: «Les Suisses voyagent en moyenne 5 fois par année. Du coup, ils panachent: du balnéaire, une destination urbaine, un petit saut au nord…»

© Andrés Nieto-Porras

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